Tribune libre australienne par Paul Monk, expert du renseignement sur la Chine

“Ce serait une bonne chose que le plus grand nombre de personnes possible regarde Au nom de Confucius et comprenne à quel point le nom du sage chinois est mal utilisé par les autorités chinoises et celles de nos universités qui prennent leur argent.”

~ Paul Monk, ancien responsable de China Analysis à la Defence Intelligence Organization, Australie

Les Instituts Confucius exigent de vous coltiner Xi Jinping

par Paul Monk

En décembre dernier, le gouvernement fédéral a présenté au Parlement quatre projets de loi visant à prévenir l’ingérence étrangère dans les institutions de ce pays. La principale préoccupation était et reste la Chine, et plus précisément les organes de renseignement du parti communiste chinois. La semaine dernière, une illustration frappante de la nécessité de telles mesures s’est déroulée à l’Université Victoria de Melbourne.

Des membres de la communauté chinoise et de la société de médias locale Journey West Media ont organisé une projection de documentaire acclamé de la réalisatrice canadienne Doris Liu, sur le fonctionnement des instituts Confucius dans le monde. Un amphithéâtre à l’Université Victoria a été réservé et payé, ainsi que des dizaines de personnes inscrites à l’évènement. Par la suite, l’université a annulé la projection.

Le film, Au nom de Confucius, montre comment le Parti communiste contrôle les instituts Confucius dans le monde entier, en mettant l’accent sur les études de cas réalisées au Canada. Il existe des centaines d’instituts de ce type dans le monde (16 en Australie) et leur travail suscite de plus en plus de controverses.

La réservation de l’Université Victoria avait été confirmée le 29 août par la coordinatrice des réservations de salle, pour le soir du 21 septembre à 19 h. Dix jours plus tôt, le directeur des locaux de l’université a envoyé un courrier électronique aux organisateurs pour l’informer que la réservation du 23 septembre avait été annulée car le théâtre avait une double représentation.

Quand on lui a rappelé que la réservation était en fait pour le 21 septembre, l’université n’a pas sourcillé. Le coordinateur de Journey West Media a été informé par courrier électronique que la réservation pour le 21 septembre était annulée – l’amphithéâtre avait été réservé en doublon. Une série de courriels s’en est suivie, affirmant que tous les autres amphis étaient également réservés et qu’aucun d’eux n’était disponible à une autre date.

La projection a été déplacée dans une salle de l’église écossaise de Collin Street. Environ 200 personnes y ont assisté. Des photographies prises le soir du 21 septembre montrent toutefois que la salle de conférences censée avoir été réservée était en fait vide, de même que les autres salles de conférences. Ce n’est pas surprenant, étant donné que le trimestre venait juste de se terminer et que les vacances avaient commencé ce soir-là.

J’ai tenu une table ronde après la projection. Le documentaire mérite un large public. Il contient des séquences assez remarquables de l’évolution de la situation au Canada, en particulier à l’Université McMaster et au conseil scolaire du district de Toronto. Il y a d’ailleurs une ressemblance frappante avec ce qui vient de se passer à l’Université Victoria. Il semble assez ironique que la tentative de projeter un film canadien se heurte en Australie exactement au même type de traitement qu’au Canada, comme décrit dans le film.

Cependant le film montre aussi que des choses ont bougé au Canada. L’Université McMaster et le conseil scolaire ont décidé de prendre position contre les instituts Confucius, leurs modèles contractuels, de financement et leur manipulation depuis Pékin.

Peut-être que cet incident démontre que l’affaire a besoin d’une bonne audience publique ici aussi. Si vous n’avez pas suivi le fil de discussion sur les instituts Confucius, voici le résultat final. Ce projet est une entreprise de plusieurs milliards de dollars du Parti communiste chinois visant à étendre son pouvoir souple au monde entier. En apparence, il ne fait rien de plus que des organisations culturelles connues telles que l’Alliance française ou le Goethe Institute : enseignement de cours de langue et de culture françaises ou allemandes. Mais les cours de chinois sont contrôlés par le parti et de nature propagandiste.

Les supports d’enseignement, préparés à Pékin, ne sont pas basés sur la langue et la culture chinoises mais sur la propagande communiste. Les contrats, également préparés à Pékin, exigent que les enseignants des instituts Confucius soient recrutés par les autorités chinoises et respectent des règles strictes en matière d’histoire et de géopolitique.

Le financement provient de Pékin et il existe des liens étroits entre les instituts, de pays à pays, et les ambassades et consulats de Chine dans ces pays, y compris en Australie.

Ce qui s’est passé à l’Université de Victoria est manifestement bizarre. Il n’est pas clair si les administrateurs des établissements ont agi de leur propre chef afin d’éviter tout problème avec le consulat chinois ou ont agi après avoir pris contact avec le consulat ou le personnel de l’Institut Confucius. Mais peu importe. Un film documentaire sur des évènements au Canada a été poussé hors du campus de l’université pour des raisons inventées et a dû être projeté ailleurs.

Qu’y a-t-il a faire ? Le film montre la bonne direction. Nous avons besoin d’une enquête publique sur le fonctionnement des instituts Confucius. Compte tenu du rejet explicite par la Chine de Xi Jinping de toutes les valeurs des droits de l’homme et des principes démocratiques auxquels adhèrent notre société et nos institutions éducatives, nous devons rechercher de meilleurs moyens d’enseigner la langue, l’histoire et la politique chinoises, sans ingérence de Pékin.

Il serait judicieux que le plus grande nombre de personnes voient le film Au nom de Confucius pour comprendre à quel point le nom du sage chinois est mal utilisé par les autorités chinoises et celles de nos universités qui prennent leur argent.

Paul Monk est l’ancien responsable des analyses sur la Chine à la Defence Intelligence Organisation et l’auteur de 10 ouvrages, dont Thunder From the Silent Zone: Rethinking China (2005) and Dictators and Dangerous Ideas: Uncensored Reflections in an Era of Turmoil (2018).

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